.
Un monde mort, immense écume de la mer,
gouffre d’ombre stérile et de lueurs spectrales,
jets de pics convulsifs étirés en spirale
qui vont éperdument dans le brouillard amer.
Un ciel rugueux roulant par blocs, un âpre enfer
où passent à plein vol les clameurs sépulcrales,
les rires, les sanglots, les cris aigus, les râles
qu’un vent sinistre arrache à son clairon de fer.
Sur les hauts caps branlants, rongés des flots voraces,
se roidissent les Dieux brumeux des vieilles races,
congelés dans leur rêve et leur lividité ;
Et les grands ours, blanchis par les neiges antiques,
ça et là, balançant leurs cous épileptiques,
ivres et monstrueux, bavent de volupté.
Charles Leconte de Lisle, extrait de Poèmes barbares (1872)
in Cent poèmes pour ailleurs, éd. Orphée La Différence, 1991
Je l’avais lu il y a bien des années, et oublié… La fin est géniale ! Les grands ours blancs, bavants et épileptiques, c’est hilarant ! Quant au tableau, j’ai l’impression qu’il représente les chutes du niagara, imaginairement prises par les glaces ?
Non ! L’illustration est une photo, prise en Islande aux chutes de Goöafoss. Autres latitudes !