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Mon nom n’est pas sur ma porte
mais chacun sait mon métier
je prends du sable aux mers mortes
et des clous à vos souliers
— Prête-moi tes gants de laine
pour ferrer mon cheval noir
je suis l’époux d’une reine
qui m’a fait roi sans me voir
— Dans un chantier sous la terre
j’ai mes outils d’emballeur
et vends à l’homme des pierres
qu’il me paye avec des fleurs
— Dis-moi tes noms que je donne
la nuit aux ombres qu’ils sont
et que Dieu leur taille un trône
dans le poids de ta maison
— Mon parrain passait du sable
« Quel est-il » on l’appelait
il ajustait ses emblables
à de grands trous qu’il taillait
Et les voyant dans leur cendre
entrer sur les pas d’autrui
il leur donnait à comprendre
ce que je chante aujourd’hui
— J’écris mon nom sur ta bière
où repose on ne sait qui
un homme n’est que son frère
puisque son frère c’est lui
Joë Bousquet, La connaissance du Soir, Poésie/Gallimard, 1981
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Ici aussi ► extrait du Meneur de lune