A un viejo y distinguido señor.
Te he visto, por el parque ceniciento
que los poetas aman
para llorar, como una noble sombra
vagar, envuelto en tu levita larga.
El talante cortés, ha tantos años
compuesto de una fiesta en la antesala,
?¡qué bien tus pobres huesos
ceremoniosos guardan!?
Yo te he visto, aspirando distraído,
con el aliento que la tierra exhala
?hoy, tibia tarde en que las mustias hojas
húmedo viento arranca?,
del eucalipto verde
el frescor de las hojas perfumadas.
Y te he visto llevar la seca mano
a la perla que brilla en tu corbata.
Antonio Machado
.
Je t’ai vu, dans le parc couleur de cendre
qu’aiment les poètes
pour pleurer, errer comme une ombre
pleine de noblesse, emmitouflé dans ta longue redingote.
L’attitude courtoise, que tu t’es composée,
il y a tant d’années, dans l’antichambre d’une fête,
comme ils la gardent bien
tes pauvres os cérémonieux !
Je t’ai vu, aspirant, l’air distrait,
avec l’haleine qu’exhale la terre
— aujourd’hui, tiède après-midi où un vent humide
arrache les feuilles fanées — ,
de l’eucalyptus vert
la fraîcheur des feuilles parfumées.
Et je t’ai vu porter ta main desséchée
à la perle qui brille sur ta cravate.
.
Antonio Machado, Galeries, Gallimard NRF 1973 (rééd. 2008).
Trad. Sylvie Léger et Bernard Sesé.