Jos Roy ~ Novembre 2017

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Terence Stamp, Hole © Antonio Mora

 

je suis dans le réel à côté du réel
& tout en moi infuse de fuite.
contre & amour
mon corps se dérobe
& se dresse dans la plaine où
les bêtes parlent
de leurs paroles bâtissent des illusions de palais.
moi je crie sans que personne ne bronche.
il suffit pourtant de tendre l’oreille longue douce
des premières époques. il suffit pourtant sans cligner
de regarder les plaies & d’observer sans les bousculer
les déraisons humaines pour le ravir ce cri &
entendre en lui le fleurissement de chaque axe terminal

Jos Roy, Inédit (novembre 2017)

Dans la fibre molle du jour… ~ Jos Roy

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Avec l’aimable autorisation de l’auteur

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dans la fibre molle du jour
aucun nom ne se dessine
quand je mourrai je ne serai pas comme lui
personne ne viendra ramasser les restes de mon souffle
ce sera comme si rien n’avait existé la mémoire tombera
au fond d’une fosse commune & ce n’est pas joyeux de dire cela
mais depuis le début on le sait : les pierres ne nomment pas les pierres
& le chaos demeure chaos dans le plus froid des silences –
la parole est un oiseau de passage.
il faudrait pour bien faire
modeler une cosmogonie
la peupler d’éléments & de bêtes de liens de chutes
finir par des hommes des femmes des créatures
complexes amalgamant imaginaire & biologie
mais ce corps est rongé par le doute
c’est pourquoi aucun nom sur lui ne tient
aucun dieu n’y trouve sa pitance
aucun amour n’a de quoi passer l’hiver
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Jos Roy, 24 X 2015, extrait de Corps&biens
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Fil d’amitié

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pensant à toi

je voulais dire quelque chose comme

foudre & coquille

mais ce matin murmurant au corps & au regard

il n’y avait que reliques bleues d’écoubettes

& linge fin d’araignées

faits humbles de pointe du jour

chuintements naissants d’une chaleur promise

pour la nouvelle année posée au deux-tiers de l’autre

des herbes miraculeuses des voiles délicats

& sur la joue la fraîcheur d’une aube

gardée farouchement contre le monde

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Jos Roy

Bouts de décembre ~ Jos Roy

Partage depuis Mizpirondo, avec l’aimable autorisation de l’auteur

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18-12-13

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bien sûr
je parle à l’autre
même dans mes plus grands mutismes
les mutismes froids qui craquent comme
de monstrueux squelettes
_____mes effondrements familiers
bien sûr
l’autre guette
même aux profondeurs de ces déserts aveugles
quand un matin me saisit & m’embouche
à la façon d’une passion brutale – passion sèche d’homme
même lorsque la nuit s’étrangle & plonge à mes côtés au-delà de mes vœux
vers les prairies obscures où paissent d’étranges silhouettes monstrueusement proches
aux contours laqués de gel
______________________________l’autre guette &
______________________________le pays grouille d’humains
derrière chaque mot ils se dressent se courbent hurlent s’étourdissent
______________________________étendent leurs cercles sécants des miens
______________________________je leur parle ils me parlent
______________________________je questionne ils répondent
______________________________par les espaces entre les lettres
______________________________par les sons les infimes apnées
______________________________ou les cordes de l’arc que le souffle remplit
______________________________l’autre guette
même dans l’effarement de la chute
ma bouche se mouille de salives millénaires de dieux de
bêtes d’un nœud que l’on nomme trivial
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Miles away Photo © Ben Ryan

Miles away
Photo © Ben Ryan

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22-12-13

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la pensée par ici n’est pas très profonde.
elle lape les surfaces d’argent & de suie.
les profondeurs ne sont pas sa nature :
les profondeurs sont mailles d’autres cieux
qui la touchent parfois quand des torrent de nuit
balaient le troupeau de ses lettres
emportent prières &
ar-ti-cu-la-tion
ou quand le corps s’embrase
par le miracle d’une feuille
qui colporte le monde dans sa chute.
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Jos Roy
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Un Premier Février sur le Trois

En poursuivant le voyage chez Wyeth...Window from the Sea

(en poursuivant le voyage chez Wyeth…)
Window from the Sea

Relayé depuis MIZPIRONDO,
le blog de Jos Roy,
avec son aimable autorisation.

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peut-être qu’il est là le paradis
dans l’inépuisable source des grands textes
dans l’infinité des portes qui peuplent la voix des voyants
dans le pays des hêtres où tant de chairs ont brûlé
où tant de mots emplis d’humains
sont nés pour façonner-aimer l’autre monde
l’autre monde qui crache&sanglote éructe&rit ―
l’autre monde c’est une histoire de mains, tu sais,
de mains, de langue, de nuque un peu plus proche
des étoiles, d’air à peine modelé ― une histoire
où tout fut créé où tout aspire à l’être
où tout se décrée chaque jour où tout danse
sur les miroirs & tout continûment oublie
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