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[…]
Elle était verte dans la nuit, quand on vient de loin,
ou bleue, ou bien verte encore par le miracle
qui n’est pas. À moins qu’elle n’eût
cette clarté qu’on voit à certaines fleurs fléchies.
Qu’elle ne fût haute, foulée, décapitée
au milieu du silence où tout est plongé.
En moi je trouvai cette clairière broussailleuse dans la sève,
comme si résonnait un puits lointain,
ou comme
si, les jours ayant rapproché mon âge
éclatant,
je m’étais tu ou bien avais tourné mon visage béant
à la lumière pour la violence abstraite
de la solitude.
_________Je trouvai
une bête dans son sommeil, une fleur fascinée,
une guitare farouchement taciturne.
Jaune seulement si je levais la tête, ou
tellement obscure dans l’expansion de l’enfance.
Je trouvai une pierre verte enfoncée dans notre monde
à tous, au seuil de la candeur,
et que ce bleu de la terre en elle rendait si admirable.
Une chose incomprise à l’instant
où mourir est devant soi.
Je trouvai vagues sur vagues roulant contre moi, comme si
j’avais été
un mort parmi des mots.
Champs d’orge inspirés dans le feu cinglant
le dos de mes mains,
campagnes entières chantant leur innocence
presque démente. Et je trouvai enfin le lieu
où reposer ma tête et n’être plus personne
qui se connaisse. Une pierre
pierre sèche, une vie comblée de dons.
Avec les racines de qui divague.
Une pierre insonore comme quelqu’un marche
sur les aliments.
J’ai trouvé comme quelqu’un traîne dans la nuit
un symbole ardent et lourd.
_____________________ Ou l’idée
d’une mort plus légère que le cœur sans rien
de l’amour.
Si l’on m’interroge, je dis : j’ai trouvé
la lune, le soleil.
___________ Seul mon silence médite.
— Si c’était une pierre, une cloche. La vraie vie.
[…]
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Herberto Helder, Lieu (1 – extrait) [Trad. Magali et Max de Carvalho]
in Anthologie de la poésie portugaise contemporaine — 1935-2000, Poésie/Gallimard, 2003
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► Herberto Helder sur Esprits Nomades