Noces funèbres ~ Roberto Bertoldo

 

NOCES FUNÈBRES

Je glisse à ton annulaire  le serpent d’or
et sur tes cheveux pose cette couronne d’algues
inventeuse d’une majesté d’azur
et sur tes lèvres dix baisers sonores
tandis que tu descends les marches de la symphonie
qui t’a accueillie.
Et je prends ta main froide, la respire
et aussi bien, je sens qu’il est des jours comme ici
où la peau n’est pas en paix.

Roberto Bertoldo, Registre des blasphèmes
Trad. © Valérie Brantôme, 2016

NOZZE FUNEBRI

Ti pongo sull’anulare la serpe d’oro
e sui capelli quella corona d’alghe
che improvvisò la regalità azzurra
e sulle labbra ti bacio con dieci schiocchi
mentre scendi le scale della sinfonia
che ti ha accolta.
E prendo la tua mano fredda, la respiro
e sento pure che ci sono giornate come questa
in cui la pelle non è pacifica.

Roberto Bertoldo, L’archivio delle bestemmie
Mimesis, Milano, 2006

Poesie / Poésies ~ Luciano Erba

Affinités

D’avoir perdu la route
au front du brouillard
je n’ai plus nulle hâte.
Un pas de temps en temps
comme le corbeau
qui s’ébat, distrait.
Si tu me vois les yeux dans les chaumes
c’est à l’égal de l’aube
que nous avons su aimer.

 

Affinità

Per aver perso la strada
contro la nebbia
non ho più fretta.

Ogni tanto un passo
come il corvo
che batte l’ala, sbadato.

Se mi vedi con gli occhi sulle stoppie
è come l’alba
che sapemmo amare.

 

*

Sans emploi

Cette impatience
elle est pour toi
la nuit, je t’enchaîne dans mes rêves
le jour, fièvre douce amère.
Une pluie éparse
freine la marche par les rues
me courbe le dos.
Pain et sardines à une heure tardive
les yeux rivés de nuit au falot de l’hôtel
j’endure mieux ainsi
ton éloignement

Disoccupato

Per te
questa impazienza
la notte ti costringo nei sogni
di giorno la febbre dolceamara.

Poca pioggia
rallenta il passo per strada
incurva il dorso.
Pane e sardine a tarda ora
gli occhi
al fanale di notte dell’albergo
vivo la tua lontananza
meglio così.
 

*

 

Les années 40

Tout semblait possible
s’abandonner dans les virages
en un suprême coup de frein
galoper debout sur la selle

d’autres choses superbes
plus nobles, prospères
surgissaient alors à hauteur d’œil.
À présent les années s’en vont rapides
par des cieux sans présage

tu t’éveilles sous des duvets azur
dans une chambre meublée de miroirs
tu étudies les coïncidences des trains
passes le seuil fleuri de sauge éclatante
lis « Salut » sur le paillasson
puis tu sors en bras de chemise
essorer la salade dans le torchon.
La ligne de vie dérive bute
escalade s’esquive
parmi les pâles sommets des dieux.

Gli anni Quaranta

Sembrava tutto possibile
lasciarsi dietro le curve
con un supremo colpo di freno
galoppare in piedi sulla sella
altre superbe cose
più nobili prospere cose
apparivano all’altezza degli occhi.
Ora gli anni volgono veloci
per cieli senza presagi
ti svegli da azzurre trapunte
in una stanza ai mobili a specchiera
studi le coincidenze dei treni
passi una soglia fiorita di salvia rossa
leggi « Salve » sullo zerbino
poi esci in maniche di camicia
ad agitare l’insalata nel tovagliolo.
La linea della vita
deriva tace s’impunta
scavalca sfila
tra i pallidi monti degli dei.

 

Luciano Erba,  Il nastro di Moebius,  Poesie 1951 – 2001 / Le ruban de Moebius, Poésies 1951 – 2001
Oscar Mondadori 2007, coll. Poesia dell’ 900
Traduction © Valérie Brantôme, 2019

 

 

Giacomo Cerrai ~ inédit de saison

Remerciements à Giacomo Cerrai,
qu’on peut retrouver sur son blog Impefetta Ellisse

 

 

L’air, tout de tilleul et de jasmin
gorgé jusqu’à l’os
comme troublé déjà
Temps évaporé, comme
demeurer en lisière d’une route
à ne rien faire, une vie
impardonnable.
Un air de mains dans les poches, tandis
que le temps originel est déjà caduc,
soupçons extravagants
qui appartiennent à la défaite
des saisons.
La lumière est drue mais n’illumine pas.
Elle ne fait que passer, au ras des têtes
comme tant d’autres changements.
Et la plus grande défaite
de l’habitant des boulevards,
de celui qui nulle part ne court,
de n’importe quelle autruche galopante,
vient de ce qu’il ne fait pas d’ombre,
ne laisse pas d’empreinte,
ne comprend pas.
Oisiveté de classes
qui disparaissent.

Giaccomo Cerrai – Inédit, Juin 2018
Trad. Valérie Brantôme

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di tigli e gelsomini l’aria
satura al midollo
e già come confusa.
È tempo evaporato, come
stare sul ciglio di una strada,
a far niente, vita
imperdonabile.
Un’aria di mani in tasca, mentre
il tempo primo è già esausto,
è stravaganza di sentori
che appartengono a una sconfitta
stagionale.
La luce è forte ma non illumina.
Passa solo, rada, sulle teste,
come molti altri cambiamenti.

E la più grande sconfitta
del popolo dei viali,
di chi corre da nessuna parte,
di qualunque struzzo corridore,
è che non fa ombra,
non fa orma,
non comprende.
Ozio di classi
che spariscono.

Giacomo Cerrai, giu. ’18

Urne de verre ~ Pier Luigi Bacchini

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Urna di vetro

Ho provato a seppellirmi, per un poco,
dietro la porta, seduto tra le ante
della piccola bussola. –
tutta la botanica del creato
– di là dai vetri, è ridotta a un vialetto
con una quercia, i cedri,
e due emerocallidi.

I godimenti di una volta,
quando l’organismo era me stesso
secondo il desiderio – tutta la materia, credo,
vibri così, trascorsa dalla vita,
anche gli antri aridi dei vulcani, quando fuoriescono
le lave che si consolidano, e che s’imponga sempre la giovinezza
per i canalicoli seminali.
Come può darsi
che uno come me, senza castità,
possa un giorno salire sino a un eremo,
distaccarsi in preghiera, esalarsi di sera
se non nel maggio, trascinando con sé un’intera foresta
e la volatile polvere dei suoi profumi,
che apre le bocche dappertutto
per nutrimento, per amore?

Questa è un’urna di vetro – ma all’esterno
le generazioni metodiche delle ombre
si spostano, e un tepore penetra il legno,
dà sussulti, scotimenti, moti
d’atomi:
e anche le parole sono fiato, soglia dell’audiogramma,
energia-materia
che rientra nell’eterno.

Pier Luigi Bacchini
(da Contemplazioni meccaniche e pneumatiche, 2005) Mondadori

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Urne de verre

J’ai essayé de m’enterrer, pour un temps,
derrière la porte, assis entre les battants
de la mince antichambre —
toute la botanique de la création
— par delà les vitres, se réduit à une allée
avec un chêne, des cèdres,
et deux
belles de jour.

Toutes les jouissances d’autrefois,
quand j’étais mon corps dans
l’obéissance du désir — toute la matière, il me semble,
qu’elle vibre ainsi, coulée de la vie,
y compris le ventre aride des volcans, quand s’en échappent
les laves bientôt durcies, et que la jeunesse toujours
s’impose
par les canalicules séminifères.
Comme il n’est pas impossible
que quelqu’un tel que moi, ignorant la chasteté,
puisse un jour se hisser jusqu’au désert de l’ermite,
s’abîmer en prière, expirer dans le soir
si ce n’est au printemps, traînant derrière soi une pleine forêt
et l’évanescence poudrée de ses parfums,
qui partout ouvre les bouches
pour se repaître, pour aimer ?

Celle-ci est une urne de verre — mais au-dehors
les générations des ombres
se meuvent
méthodiquement, une tiédeur pénètre le bois,
prodigue ses sursauts, secousses et remuements
d’atomes :
alors, même les paroles sont de souffle, seuil d’un audiogramme
énergie-matière
repouss
é vers l’éternité.

Pier Luigi Bacchini
Traduction Valérie Brantôme, 2017

Extrait de Contemplazioni meccaniche e pneumatiche
(
Contemplations mécaniques et pneumatiques)   Mondadori, 2005

Vittorio Sereni ~ da Frontiera

Photo © Bertrand Môgendre

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Les mains

Ces mains tiennes en rempart :
elles portent le soir sur mon visage.
Quand lentement tu les ouvres, là, en face,
la ville est cet arc de feu.
Sur mon sommeil à venir
elles seront persiennes rayées de soleil
et j’aurai perdu pour toujours
cette saveur de terre et de vent
lorsque tu les reprendras.

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Le mani

Queste tue mani a difesa di te:
mi fanno sera sul viso.
Quando lente le schiudi, là davanti
la città è quell’arco di fuoco.
Sul sonno futuro
saranno persiane rigate di sole
e avrò perso per sempre
quel sapore di terra e di vento
quando le riprenderai.

Vittorio Sereni, extrait de Frontiera (Frontière) –  1947
Traduction © Valérie Brantôme – 2016

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Source

Ton souvenir en moi

Ton souvenir en moi est seul bruissement
de ces pas rapides qui vont
sereins là où les hautes heures
de midi descendent
vers le plus flammé des crépuscules
parmi les portails et les demeures
et les pentes amoureuses
de ces fenêtres ouvertes à nouveau sur l’été.
En moi, seulement, lointaine
se prolonge une complainte de trains,
d’âmes qui s’en vont.

Et là, légère, tu t’en vas dans le vent,
te perds dans le soir.
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In me il tuo ricordo

In me il tuo ricordo è un fruscìo
solo di velocipedi che vanno
quietamente là dove l’altezza
del meriggio discende
al più fiammante vespero
tra cancelli e case
e sospirosi declivi
di finestre riaperte sull’estate.
Solo, di me, distante
dura un lamento di treni,
d’anime che se ne vanno.

E là leggera te ne vai sul vento,
ti perdi nella sera.

Vittorio Sereni, extrait de Frontiera (Frontière) –  1947
Traduction © Valérie Brantôme, 2016

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► voir aussi Inverno a Luino