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à Marcel Arland
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Mais la source
nous avons rêvé
de la supporter,
d’y plonger les mains
pour le pur plaisir,
sachant qu’elle aussi
n’est pas l’ouverture
qui dirait des mots.
*
Souviens-toi, tous les ciels
étaient marqués de haine.
Nous n’avions pas l’idée
d’aller nous y asseoir
pour nous tenir les mains
et moins encore l’idée
de nous mettre à genoux
devant eux et leur dire
ce qu’était notre peine.
Toujours ils étaient vagues
avec leurs cumulus
et puis l’écran pour des figures
irrecevables.
*
Ce n’est pas nous qui avons lancé
la barque dans le ciel où elle éclatera,
si fort elle pointe et monte.
Nous n’avons rien voulu
de ce demi-liquide
où tout se perd.
Qu’elle aille, qu’elle éclate
et se fasse rayon de lune à l’été proche
pour quelque lac.
Ou bien si par hasard elle revient un jour,
nous n’irons pas vers elle
pour quérir sa réponse.
*
À genoux sous le vent
qui fait sa confidence
au gouffre dans le ciel.
À genoux pour qu’il passe et nous voyant soumis
n’en cherche pas plus long.
Qu’il n’aille pas hurler
au fond du bois, à la vallée,
qu’ils nous a vus dressés pour livrer la bataille
aux monstres protégés
qui se font dans l’humide
et qui voudront venir
nous fermer les sentiers.
*
Et celui qui criait
dans la sphère d’absence,
qui voulait que ce fût à ses mains d’étrangler,
sur l’azur vertical,
les fleurs géantes et bleues
qui tombaient du soleil.
*
Avec les fontaines au fin fond des terres
nous avons été.
Avec les fontaines sous le poids des algues
nous avons été.
— C’était contre l’air
et probablement
pour ne plus parler.
Eugène Guillevic, Élégies (extrait), in Exécutoire, Gallimard, 1947