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Ma brièveté est sans chaînes.
Baisers d’appui. Tes parcelles dispersées font soudain un corps sans regard.
Ô mon avalanche à rebours !
Toute liée.
Tel un souper dans le vent.
Toute liée. Rendue à l’air.
Tel un chemin rougi sur le roc. Un animal fuyant.
La profondeur de l’impatience et la verticale patience confondues.
La danse retournée. Le fouet belliqueux.
Tes limpides yeux agrandis.
Ces légers mots immortels jamais endeuillés.
Lierre à son rang silencieux.
Fronde que la mer approchait. Contre-taille du jour.
Abaisse encore ta pesanteur.
La mort nous bat du revers de sa fourche. Jusqu’à un matin sobre apparu en nous.
René Char, La Parole en Archipel
Commune présence, nrf/Gallimard, 2005
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Le nœud noir
Je me redis, Beauté,
ce que je sais déjà,
Beauté mâchurée
d’excréments, de brisures,
tu es mon amoureuse,
je suis ton désirant.
Le pain que nous cuisons
dans les nuits avenantes,
tel un vieux roi s’avance
en ouvrant ses deux bras.
Allons de toutes parts,
le rire dans nos mains,
jamais isolément.
Corbeille aux coins tortus,
nous offrons tes ressources.
Nous avons du marteau
la langue aventureuse.
Nous sommes des croyants
pour chemins muletiers.
Moins la clarté se courbe,
plus le roseau se troue
sous les doigts pressentis.
René Char, Ces deux qui sont à l’œuvre
(Ibid)