Erreur

Je n’ai rien demandé à personne. Pourquoi m’avoir convoquée à la vie ?

Praia do Barril - Pedras Del Rei - Tavira - Algarve - Portugal

À qui viendrait l’idée qu’il est justifié parce qu’il a survécu ? Mais c’est qu’en aucun temps
la vie ne constitue une justification.

Paul Gadenne, La plage de Scheveningen

Nous tombons

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Ma brièveté est sans chaînes.

Baisers d’appui. Tes parcelles dispersées font soudain un corps sans regard.

Ô mon avalanche à rebours !

Toute liée.

Tel un souper dans le vent.

Toute liée. Rendue à l’air.

Tel un chemin rougi sur le roc.  Un animal fuyant.

La profondeur de l’impatience et la verticale patience confondues.

La danse retournée. Le fouet belliqueux.

Tes limpides yeux agrandis.

Ces légers mots immortels jamais endeuillés.

Lierre à son rang silencieux.

Fronde que la mer approchait. Contre-taille du jour.

Abaisse encore ta pesanteur.

La mort nous bat du revers de sa fourche. Jusqu’à un matin sobre apparu en nous.

René Char, La Parole en Archipel
Commune présence, nrf/
Gallimard,  2005

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Andy Denzler, Swept away

Andy Denzler, Swept away

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Le nœud noir

Je me redis, Beauté,
ce que je sais déjà,
Beauté mâchurée
d’excréments, de brisures,
tu es mon amoureuse,
je suis ton désirant.
Le pain que nous cuisons
dans les nuits avenantes,
tel un vieux roi s’avance
en ouvrant ses deux bras.

Allons de toutes parts,
le rire dans nos mains,
jamais isolément.
Corbeille aux coins tortus,
nous offrons tes ressources.
Nous avons du marteau
la langue aventureuse.
Nous sommes des croyants
pour chemins muletiers.
Moins la clarté se courbe,
plus le roseau se troue
sous les doigts pressentis.

René Char, Ces deux qui sont à l’œuvre
(Ibid)

71.


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CamilleC

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Je me suis réveillé, un morceau de rêve entre les mains,

et n’ai su que faire de lui.
J’ai cherché alors un morceau de veille
pour habiller le morceau de rêve,
mais il n’était plus là.
J’ai maintenant un morceau de veillle entre les mains
et ne sais que faire de lui.

À moins de trouver d’autres mains
qui puissent entrer avec lui dans le rêve.

Roberto Juarroz, Poésie verticale (VI, 64)
[Traduction de l’espagnol par Roger Munier]

Le poids vivant de la parole ~ Armel Guerne

Chiharu Shiota In silence

Chiharu Shiota, In silence

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On peut écrire, et l’on écrit ;
on peut se taire, et l’on se tait.
Mais pour savoir que le silence
est la grande et unique clef,
il faut percer tous les symboles,
dévorer les images,
écouter pour ne pas entendre,
subir jusqu’à la mort
comme un écrasement
le poids vivant de la parole.

Armel Guerne, Le poids vivant de la parole, Éditions Solaire, 1983