Artaud ~ Le Pèse-Nerfs

safet_zec

Gravure Safet Zec

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Il faut que l’on comprenne que toute l’intelligence n’est qu’une vaste éventualité, et que l’on peut la perdre, non pas comme l’aliéné qui est mort, mais comme un vivant qui est dans la vie et qui en sent sur lui l’attraction et le souffle (de l’intelligence, pas de la vie).
Les titillations de l’intelligence et ce brusque renversement des parties.
Les mots à mi-chemin de l’intelligence.
Cette possibilité de penser en arrière et d’invectiver tout à coup sa pensée.
Ce dialogue dans la pensée.
L’absorption, la rupture de tout.
Et tout à coup ce filet d’eau sur un volcan, la chute mince et ralentie de l’esprit.

Se retrouver dans un état d’extrême secousse, éclaircie d’irréalité, avec dans un coin de soi-même des morceaux du monde réel.

[…]

Une espèce de déperdition constante du niveau normal de la réalité.

Sous cette croûte d’os et de peau, qui est ma tête, il y a une constance d’angoisses, non comme un point moral, comme les ratiocinations d’une nature imbecilement pointilleuse, ou habitée d’un levain d’inquiétudes dans le sens de sa hauteur, mais comme une (décantation)
à l’intérieur
comme la dépossession de ma substance vitale,
comme la perte physique et essentielle
(je veux dire perte du côté de l’essence)
d’un sens.

Antonin Artaud, Le Pèse-Nerfs, L’Ombilic des Limbes, Poésie/Gallimard, 2004.

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