Pierre Reverdy, le pied dans la flaque

LES IMAGES DU VENT

D’un bout à l’autre, la ligne s’assoupit et se retire — les landes délavées repliant leurs miroirs et les buissons noircis agitant des images — des gestes indécis et de larges grimaces, loin du ciel. Il est à peine l’heure de sortir sous la pluie — les routes sont perdues entre les quatre points et l’air venu de haut et de toutes les sources plane entre les tournants, aux marges des poteaux. L’âne court dans le champ désert et sans abri. La voix qui roule dort dans un repli du vent — aucune tête ne dépasse l’herbe rase, liée aux ruisseaux creux et secs qu’il faut sauter.  Au tranchant lumineux luit la crête des vagues. Un mouvement discret, direct vient au passage où les mains détachées flottent sur le courant — sous le regard aigu, la pointe fixe d’un feu rouge vivant et calme dans la nuit.

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LE ROCHER BLANC

La pluie — la plus grosse fleur gonflée d’orgueil, de pierreries. Goutte à goutte l’or jaune des prairies, le rouge vif des revers soulevés par le vent et le long des chemins, des bordures des champs.
On se demande où finit ce creux entre les souches d’arbres et les couches du temps. Avec patience, les cris qui traversent les branches se font entendre loin. Les appels désolés cachés dans l’air et tout ce mouvement dans les soupentes.
Le mélange et les écarts de pas sur ce terrain sec et résonnant.
Sous la pierre c’est l’ombre molle et peut-être un animal vivant. Car dans cet espace tout est comme la main et l’oeil — tout se comprend.

Pierre Reverdy, poèmes extraits de Flaques de verre, Garnier Flammarion, 2009.

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► Pierre Reverdy sur Esprits Nomades

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